Contribution de la FCPE (Fédération des Conseils de Parents d'Elèves) à la 11e édition de la Journée du refus de l’échec scolaire.
L’institution scolaire ne prend pas en compte la volonté et la parole de l’élève dans les processus d’orientation. Elle a le dernier mot en matière d’orientation scolaire et détermine ainsi une part importante de l’avenir de chaque jeune. Ce fonctionnement est d’autant plus préoccupant que bien souvent, un élève, exclu des choix qui le concernent finit, par s’exclure du processus de construction personnel, professionnel. In fine, il pénalise son avenir professionnel, mais aussi personnel. L'orientation est un des sujets sur lequel la FCPE est particulièrement vigilante car elle est un facteur déterminant de la réussite de l’élève et dessine son projet de vie et sa construction citoyenne.
L’orientation reste encore trop souvent subie, imposée à eux sur la base de leurs résultats scolaires supposés prédictifs d’une réussite future et, de manière souvent inconsciente, de préjugés sociaux et de genre. De manière plus consciente et discrète, l'orientation proposée peut adopter une logique de planification et de gestion des flux dans le système éducatif et cherche à répondre aux besoins du moment dans le bassin d'emploi où réside l'élève.
Quoi de pire pour un adolescent que d’être orienté par défaut sans pouvoir choisir ? D’être renvoyé à ses seuls résultats scolaires pour déterminer son avenir ? Dans ce cas, comme dans celui où son affectation ne serait pas conforme à son choix d’orientation, comment s’étonner qu’il « décroche » et renonce à une scolarité qui ne lui convient pas ?
Cette situation n’est plus tenable. Les jeunes doivent pouvoir choisir à la fin de la 3ème et de la 2nde ce qu’ils veulent apprendre ensuite. Certains se tromperont sans doute, mais ils en ont bien le droit. Se tromper permet d'apprendre et de mûrir son choix. D’ailleurs, à l’heure actuelle, l’institution qui prend seule les décisions ne se trompe-t-elle pas déjà ? Comment explique-t-on aujourd’hui le décrochage scolaire et la sortie prématurée du système éducatif, sans diplôme, de 100 000 jeunes, chaque année? Ces jeunes seront ensuite les premiers touchés par le chômage et les difficultés d’insertion sociale.
Les réformes en cours, sur les différentes voies du lycée (générale, technologique et professionnelle) ainsi que les lois ORE et liberté de choisir son avenir professionnel risquent de renforcer encore le poids du milieu sociale dans l’orientation des élèves, à la fois dans ce qui leur est proposé et dans leur droit à choisir. Dans l’enseignement professionnel, la FCPE pointe en particulier le risque d’une orientation de plus en plus en précoce et donc pas toujours choisie pour l’immense majorité des élèves. Pourtant, quand elle est choisie et clairement explicitée aux jeunes, cette voie est une voie de réussite. L’apprentissage pour les mineurs peut être une voie de réussite mais cela n’est en aucun la norme vers laquelle il faut tendre. Les PREPA CFA et les PREPA métiers au collège sont largement portées dans le projet de loi, en vue de remplacement des DIMA et des 3epro aux fins de les préparer à l’apprentissage et de réparer de possibles décrochages scolaires. Pour la FCPE, il s’agit d’ouvrir les possibles de chaque jeune, quel que soit son milieu social. Au collège, il s’agit avant tout de penser autrement les enseignements et les apprentissages, de favoriser le travail en groupe de pairs, pour permettre le développement et la reconnaissance de compétences transversales, et autrement que par les notes et les enseignements généraux. C’est dire qu’à 14 ou 15 ans, selon son bulletin scolaire, son comportement à l’école et sans forcément avoir déjà un véritable projet de métier, un élève, un jeune, sera orienté vers la voie professionnelle, quelle qu’elle soit (prépa métier dans un établissement scolaire, ou prépa apprentissage en CFA). Car, s’il n’est pas « fait » pour les études à cet instant « t », il est forcément fait pour entrer dans un métier, ou une famille de métier, qui ne sera pas forcément choisi, eu égard à l’offre autour de lui. Avec l’assouplissement des procédures relatives à la création des CFA, nous craignons, selon les territoires de nombreuses sorties des élèves du système scolaire. Certes, ils « seraient ailleurs » mais quel sera leur statut ? Quels seront les contours du statut pour sécuriser leur parcours de formation eu égard à leur âge juvénile ? Quel sera le prix à payer pour les familles d’une part mais également que se passera-t-il pour ces jeunes qui certainement, plus tard, auront des désidératas de métiers ou de formations qui ne seront peut-être pas ceux vers lesquels ils ont été orientés ?
Pour la FCPE, l’Ecole doit donc se transformer profondément pour permettre aux élèves de faire leurs choix d’orientation. Cela passe par deux biais, à la fois une véritable éducation à l’orientation, pour permettre à chacun de choisir et une refonte des procédures d’orientation qui émancipe et non qui enferme, dans son milieu social ou son genre par exemple.
Sur ces deux leviers, la FCPE continue son combat pour rendre effective la coéducation. Aujourd’hui, on demande aux parents de parler d’orientation à leur enfant, mettant dans l’échec les parents qui n’ont pas les connaissances et les codes du système éducatif et du monde professionnel. Et cependant, c’est eux que l’on rend responsable des erreurs d’orientation, car ils n’auraient pas su guider correctement leur enfant. Il est temps de mettre fin à la culpabilisation des parents et de permettre à chacun d’accompagner son enfant, sans leur demander de suppléer aux missions de l’institution scolaire.
Enfin, l’orientation choisie et le droit à l’erreur doivent devenir effectifs pour tous les élèves au lycée. Que constatons-nous ? Le lycée s’est massifié mais a échoué dans son ambition démocratique, quand on voit la reproduction sociale à l’œuvre.
Que proposons-nous ? Un lycée polyvalent (avec à terme la réunion des formations générales, technologiques et professionnelles dans un lieu unique et avec un tronc commun) qui reconnaisse toutes les formes de réussite et qui prenne en compte tous les savoirs et compétences développés dans l’Ecole, mais aussi en dehors. Il est urgent de s’attaquer à la discrimination sociale et au processus sélectif à l’œuvre. Ce nouveau lycée doit rendre aux élèves l’estime de soi en s’appuyant sur leurs acquis, en développant leur créativité et leurs aptitudes à la coopération et au vivre-ensemble et en les accompagnant vers une véritable autonomie. Enfin et surtout, le choix d’orientation doit être laissé à l’élève et ses parents, tout en permettant les changements de parcours grâce à des passerelles entre les différentes filières et voies de formation.
Nous souhaitons que l’ambition démocratique de l’Ecole et de son socle commun trouve sa continuité dans un lycée qui réduit les inégalités et les discriminations et valorise la diversité des chemins de la réussite, un lycée construit sur le droit de choisir son avenir.
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