En huit ans d’enseignement je n’ai jamais demandé un rendez-vous à un parent d’élève. Evidemment, j’ai de nombreuses occasions de rencontrer des familles : remise des bulletins, réunions, ou lorsque je suis sollicitée par l’une d’entre elles. Mais cela, en ZEP, n’arrive presque pas. Du coup (trop facile, me direz-vous), je me contente de glaner des informations chez ceux qui assument déjà le lien : conseiller d’éducation, chef d’établissement et souvent, malheureusement, assistante sociale.
Et ce, d’abord, pour les parents eux-mêmes.
Car le plus souvent, l’école ne les reçoit pas, elle les convoque, pour évoquer les problèmes posés par leur progéniture... On assiste alors à des scènes tragi-comiques, dont je doute qu’elles aient une utilité : je n’ai jamais vu un enfant insolent rentrer dans le rang suite à un entretien avec sa mère ; ni un élève se passionner pour les maths après avoir entendu son prof se plaindre à son père qu’il ne faisait rien ; ni une élève devenir moins absentéiste parce que son grand frère était venu nous ser¬rer la main avec l’air d’un chef de famille... Ce que j’ai vu, en revanche, ce sont des parents se mettre à hurler contre leur enfant pour essayer de sauver les apparences, des mères s’effondrer pour déplorer que le cadet ne soit pas comme l’aîné qui a réussi, ou de lourds silence qui traduisaient l’impuissance, l’épuisement.
Les rencontres avec les parents : l'exception
Et puis je pense aussi aux élèves. Quelle image de l’adulte, de l’école, et d’eux-mêmes, leur donne-t-on lorsqu’on a, comme seule réponse à leurs défaillances, d’aller en rendre compte aux parents ? Comment les considère-t-on, eux que l’on forme à devenir des citoyens responsables ? Je ne trouve pas profitable de les contourner. Vous souvenez-vous de l’image que vous aviez de vos parents à l’adolescence ? Vous souvenez-vous des secrets que vous aviez envie de garder ? Avez-vous déjà pris une raclée à l’arrivée d’un coup de fil ? Avez-vous déjà vu vos parents revêtir leurs beaux habits pour aller écouter le sermon d’un professeur dont ils ne comprennent pas les mots ? Avez-vous déjà eu la peur au ventre à l’idée que votre mère allait tout lâcher, expliquer une situation extrême que vous vouliez précisément dissimuler derrière l’insolence ? Bien sûr, je continue de rêver à une école ouverte, à des ateliers avec les parents, des échanges sur leurs parcours, des sorties au théâtre. Voire des mouvement sociaux en commun, des occupations de locaux... Tout est possible, mais ces rencontres-là restent exceptionnelles. Alors pour le moment, je préfère m’adresser à ce jeune devant moi et lui dire : je te considère comme une personne à part entière, je te regarde droit dans les yeux. Non je ne vais pas appeler tes parents, c’est à toi que je parle. Alors n’essaye pas d’esquiver. On va trouver une solution. Nathalie Broux, professeure au Lycée du Bourget et au Microlycée 93Partager cet article