Emmanuel Vaillant : "Leurs mots nous engagent"

Emmanuel Vaillant, directeur de la ZEP - Zone d'Expression Prioritaire, témoigne de son expérience auprès des jeunes à l'occasion de la sortie de l'Observatoire de l'Engagement des Jeunes. L'ensemble des résultats seront dévoilés le mardi 10 juillet à 17h.

LEURS MOTS NOUS ENGAGENT

"Les mots sont importants. S’engager, c’est mettre en gage, déposer en garantie, se mettre à disposition de quelque chose, une cause par exemple, par un contrat ou sur une promesse… Alors les jeunes on s’engage ? Un peu, beaucoup, trop, pas assez… Le sujet fait toujours débat. Au fil de nos ateliers d’écriture qui donnent lieu à une multitude de témoignages sur notre Zone d’Expression Prioritaire, ils nous racontent leurs engagements multiples et protéiformes. Leurs récits sont précis et argumentés. Toutes les causes sont bonnes à saisir. Chacun à sa mesure. Les uns consomment autrement, les autres accompagnent des réfugiés, imaginent de nouvelles formes de sociabilité, ou des rapports au travail plus équilibrés, ou encore des relations entre les hommes et les femmes plus égalitaires… Non, l’engagement chez les jeunes ne faiblit pas, il se transforme. Avec peut-être moins d’idéologie mais pas moins d’idéaux et surtout en s’incarnant plus souvent sur des actions aux effets attendus bien tangibles.

Ce que nous disent aussi leurs récits, c’est que l’engagement est devenu une sorte de vertu cardinale. Tout le monde l’encourage, la valorise, la promeut. Il FAUT s’engager. Cette nouvelle doxa est d’ailleurs bien intégrée par les jeunes eux-mêmes comme nous l’indiquent deux chiffres tirés de l’enquête de l’Afev : près des trois quarts d’entre eux se considèrent engagés mais plus de la moitié estiment que leur génération ne l’est pas… L’autre n’est jamais aussi engagé que soi-même. Aussi, ces «expériences de vie» sont désormais reconnues dans un cursus de formation, à faire valoir sur le CV, un élément de distinction qui se monétise sur le marché du travail. S’engager c’est bon pour les autres, c’est bon aussi pour soi. On ne s’en plaindra pas. Le Service civique compte bien plus de candidats que de postes à pourvoir. Alors tant mieux s’ils sont si nombreux à s’engager.

Seulement cette petite musique injonctive sur l’engagement doit aussi nous interroger. Dans notre société traversée par tant d’indéterminations et d’incertitudes, ces discours sur l’engagement des jeunes nous rassurent. Et ces injonctions à la responsabilisation semblent faire oublier aux pouvoirs publics leur propre responsabilité en faveur des politiques d’émancipation de toutes les jeunesses. Car là encore les récits de jeunes nous le rappellent avec force : s’engager exige quelques ressources en préalable. Et leurs mots nous engagent."

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