Contribution de Didask à la 11e édition de la Journée du refus de l’échec scolaire.
Qu’est-ce qu’une orientation réussie au 21ème siècle ?
Qui peut affirmer avoir défini un objectif clair à très long terme, élaboré un plan pour y parvenir, puis anticipé et réussi chaque étape de ce plan ? Contrairement à un message trop souvent véhiculé, une orientation réussie n’est pas un parcours linéaire menant à un but prédéterminé. Si cette définition manque de réalité, c’est parce que les individus, leurs aspirations et le monde dans lequel ils vivent sont en constante évolution. La capacité à bien s’orienter est donc moins question de stratégie que de posture, que l’on pourrait définir par ces trois attitudes :- satisfaction vis-à-vis des choix passés: mes choix ont été faits en connaissance de cause et en cohérence avec mes aspirations et capacités
- réflexivité vis-à-vis de la situation présente: correspond-t-elle à l’idée que je m’en étais fait, à mes besoins à l’instant T et pour le futur ?
- confiance vis-à-vis de l’avenir : je connais les voies d’évolution et de réorientation, j’ai confiance dans ma capacité à rebondir et changer d’environnement
Des injonctions contradictoires qui mettent les jeunes en difficulté
Ces attitudes, nous les construisons et nous les affinons dans le temps, à mesure que nous gagnons en maturité. Or, les premiers choix d’orientation commencent très tôt, et sont très souvent des transitions difficiles pour les collégiens et lycéens, soumis à des injonctions contradictoires : “Tout se joue maintenant” vs. “rien ne se joue maintenant” Dans une société qui continue de sous-valoriser la filière professionnelle, l’apprentissage, et la formation continue, il est normal d’avoir le sentiment que tout se joue à l’école. En effet, malgré la volonté politique de renforcer la formation et l’acquisition de compétences tout au long de la vie, les diplômes acquis ou non dans la jeunesse pèsent excessivement sur les parcours, aggravant la pression exercée et ressentie par les jeunes. “Sois docile” vs. “sois responsable” La capacité à construire son orientation nécessite un changement de posture radical par rapport à ce qui est attendu et valorisé dans le cadre scolaire. On attend du collégien ou du lycéen qu’il se responsabilise, qu’il soit acteur de son orientation, alors qu’il est habitué à une posture plutôt passive et infantilisante. Aussi, on attend de lui qu’il se découvre et fasse un choix qui lui ressemble, dans un espace où les individualités sont souvent fondues dans les dynamiques de groupe et la tendance au conformisme. “Tu as le choix” vs. “tu n’as pas le choix” L’orientation est très souvent un processus subi par le jeune, que ce soit en raison de ses résultats scolaires (pression de l'école) ou des représentations dominantes dans son entourage (pression familiale et/ou sociale). On le/la pousse à choisir telle ou telle voie "qui lui correspond mieux", ou à l’inverse on lui interdit telle ou telle voie "dont il/elle n'en est pas capable". De nombreuses représentations contaminent la réflexion sur l'orientation, renforçant les phénomènes d'autocensure et raréfiant les trajectoires qui concilient contraintes, souhaits et capacités.La nécessité de considérer l’orientation comme une compétence à part entière
Une compétence qui se construit par des allers-retours avec le terrain Comment se projeter dans un monde qui nous est totalement inconnu ? Une des grandes difficultés dans l’orientation est qu’il existe une forte étanchéité entre le monde scolaire, le monde étudiant et le monde professionnel. Certes, il existe des informations et des outils de très grande qualité pour aider à la découverte des possibles, que ce soit sur les filières ou les métiers. Ils sont d’une aide immense pour accompagner les jeunes dans leur orientation. Seulement, la transmission d’informations de manière passive (aussi qualitatives soient-elles) ne vaudra jamais une rencontre humaine ou une immersion in situ. Il faudrait donc multiplier les occasions d’immersion dans les filières de formation et le monde professionnel, par des visites réelles ou virtuelles, par la venue d’étudiants et de professionnels dans les établissements secondaires. Ces occasions devraient être accessibles à tous et facilitées par toutes les parties prenantes de l’orientation (établissements du secondaire, du supérieur, entreprises, associations, collectivités). Une compétence qui se construit à plusieurs et dans l’échange L’enjeu ici est de multiplier et d’armer les accompagnants (familles, enseignants, psy-EN et autres personnes impliquées dans l’orientation) qui l’accompagneront dans son exploration de lui-même, des chemins possibles, dans ses choix et dans l’acquisition d’une posture active vis-à-vis de son orientation. Il faut donner à ces accompagnants et le temps, et les moyens adaptés afin de créer autour du jeune un réseau de référents stable qui saura le guider dans son cheminement. Une compétence qui se construit dans le temps, avant le lycée et tout au long de la vie Il n’y a pas de bons ou de mauvais choix d’orientation si on est dans une logique d’apprentissage et de parcours. Encore faut-il que cette culture de l’apprentissage en continu imprègne les structures éducatives (dès la plus petite enfance), puis étudiantes, et enfin professionnelles, pour donner à chacun le temps de trouver sa voie, de se tromperet de construire pas à pas le parcours qui lui ressemble. Nous appelons à un changement de notre rapport à l’apprentissage,qui doit s’opérer dans le cadre scolaire, mais aussi le dépasser dans l’espace et dans le temps. Dans l’espace, en revalorisant les compétences développées dans nos expériences personnelles. Dans le temps, en accompagnant l’orientation des jeunes adultes, et en donnant la place qu’elle mérite à la formation tout au long de la vie.Partager cet article