En cette semaine nationale de lutte et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme, il est bon se poser la question : qui sont les acteurs de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme ? Comment sensibiliser les jeunes et en faire des acteurs engagés et efficaces dans ce combat ?
En les convainquant qu’ils peuvent changer la donne, qu’ils ont le pouvoir de contribuer à faire évoluer notre société vers une société plus solidaire et apaisée.
C’est dans cette perspective que l’ Afev et Facing History and Ourselves travaillent activement depuis un an à permettre aux jeunes, de développer les compétences et les connaissances nécessaires pour devenir des citoyens autonomes, engagés, ouverts qui exercent au quotidien leurs « super pouvoirs » civiques tout particulièrement dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Cet article a été originellement publié par notre partenaire Facing History and Ourselves à l’aube de l’année 2017 mais trouve tout son sens en cette semaine particulière.
" Les épitaphes se succèdent pour l’an 2016 : c’était la pire des années en ces temps incertains, entend-on dire. Et ces problèmes ne disparaîtront pas le 31 à minuit, bien entendu. C’est à nous de faire en sorte que 2017 soit meilleur.
Il y a une quinzaine de jours, mon collègue Dimitry Anselme et moi-même avons animé des ateliers à Marseille et à Paris pour des membres de l’Afev, une organisation civique bénévole. Nous avons parlé d’efficacité civique, la conviction que nous pouvons changer les choses en tant que citoyen, que nous avons les compétences, les capacités, et l’assurance nécessaires pour agir et avoir un impact. L’un des dangers de l’efficacité citoyenne, c’est que si on la croit absente, elle restera absente. Par contre, un sentiment d’efficacité civique donnera plus d’assurance. C’est un peu comme la loi de Newton, mais appliquée à l’esprit civique.
Par ces temps trop incertains et trop compliqués, la paralysie nous guette, l’impression que quoi que l’on puisse faire, cela ne sert à rien. C’est le moment de se rappeler combien il est important d’avancer pas à pas, de renforcer la confiance, de faire un geste, de s’inspirer du travail des autres. Peu importe ce que nous choisissons de faire, l’important, c’est de faire ce premier pas dans la bonne direction.
Pendant notre séjour en France, nous avons parlé avec les volontaires et les bénévoles et de l’Afev de ces périodes que l’on étudie à l’école ou ailleurs : le mouvement pour les droits civiques aux États-Unis, la chute du mur de Berlin, la lutte contre l’apartheid. Ce que l’on constate quand on étudie ces mouvements, c’est qu’ils n’avaient rien d’inévitable, et qu’ils n’ont pas découlé des actions d’un seul individu ou d’une seule institution, ou d’un moment clé. Il a fallu que nombre d’individus, de communautés, voire même d’institutions soient convaincus qu’ils pouvaient faire bouger les choses dans la bonne direction, qu’ils pouvaient jouer un rôle pour infléchir le cours de l’histoire dans le sens de la justice. Il ne s’infléchit jamais tout seul.
Vous tous qui pensez avoir raté le bon moment, il est temps de revêtir votre cape. Qu’est-ce que j’entends par là ? L’an dernier lors d’un colloque réunissant des enseignants du monde entier à Chicago, nous avons demandé aux participants de réfléchir à leurs superpouvoirs en tant que profs et puis nous leur avons demandé de fabriquer des capes. C’était amusant, un peu fou, mais ce fut l’occasion de réfléchir à ce que l’on fait de spécial et qui fait bouger les choses. C’est aussi un moyen de se rappeler qu’on ne peut pas compter sur des superhéros pour venir nous sauver.
En France, nous avons demandé aux bénévoles de l’Afev de réfléchir à leurs superpouvoirs et d’imaginer que leur cape, c’est leurs actions citoyennes. L’un d’entre eux a évoqué le M qu’il porterait, pour illustrer sa condition de « métis », une personne ayant des ancêtres nord-africains et français. Son superpouvoir, c’était la capacité qu’il a à dialoguer avec différentes communautés, sa sensibilité aux espaces interstitiels. D’autres ont parlé de leur don d’écoute, du fait qu’ils sont capables de réflexion critique et de représenter activement une communauté marginalisée, tout en participant à la vie de celle-ci.
Quel est votre superpouvoir et comment allez-vous l’utiliser ? Il n’est pas question ici de risque. Non, il s’agit de donner un coup de projecteur sur ce qui renforce les communautés et la démocratie et protège la société civile. Il s’agit de faire en sorte que nous-mêmes - et les communautés, les pays et le monde dans lesquels nous vivons – nous fassions preuve de davantage d’humanité, de compassion et de justice.
Voilà pourquoi je salue certains de ceux qui ont revêtu leur cape en 2016 :
- Sean Pettis and les habitants de Corrymeela, en Irlande du Nord, qui ont offert un espace où éducateurs et adolescents se sont sentis suffisamment en confiance pour discuter des violences du passé et imaginer un avenir partagé.
- Dylan Wray, Roy Hellenberg, et Shikaya, en Afrique du Sud, qui aident les enseignants et les chefs d’établissement à aborder le sujet de l’apartheid, à reconnaître la fragilité de la démocratie sud-africaine et à créer des écoles et des salles de classe qui sont des lieux de réflexion et d’écoute inclusifs où les élèves se sentent en sécurité.
- L’Afev et ses volontaires dans toute la France, qui suivent une formation sur l’antisémitisme et le racisme pour pouvoir réagir et s’élever contre la haine.
- Les élèves du lycée Overton à Memphis, qui ont fondé « Étudiants pour unir Memphis » et qui sont en train de créer un jardin qui commémorera le lynchage d’Ell Person. Ils confrontent le passé raciste des États-Unis et forgent un avenir meilleur.
- Les enseignants qui n’ont pas reculé devant l’inconfort d’une discussion sur le racisme en classe et ont suivi des séminaires Facing History and Ourselves sur Ferguson pour comprendre comment entamer avec honnêteté des conversations difficiles avec leurs élèves.
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