Dans le Nord, des ordinateurs livrés à domicile !

Ongardelelien afev

Dès les premiers jours du confinement général, l'Afev et ses engagé·es ont lancé une opération originale, #OnGardeleLien, pour assurer la continuité de ses actions dans des conditions particulièrement complexes. Le Lab'Afev s'associe tout naturellement à la démarche, en relayant ces prochains jours et semaines des actions menées directement sur le terrain. Ayant récemment "hérité" d'un parc informatique offert par BNP Paribas, l'antenne valenciennoise de l'Afev a décidé d'en faire un usage particulièrement pertinent en période de confinement : en les livrant à des établissements et familles mal équipés en matériel, elle contribue en effet à réduire la fracture numérique, permet à des jeunes de suivre les cours et réaliser les exercices proposés par des équipes enseignantes particulièrement mobilisées en ces temps troublés.

Pour faire comprendre à un enfant que l'ordinateur qu'elle venait de lui livrer à domicile (et dans le plus strict respect des règles sanitaires!) ne lui serait pas retiré après la période de confinement, Anaïs Tavernier, Chargée de développement local à l'Afev Valenciennes, a eu l'idée de lui dire : « C'est comme ton cadeau d'anniversaire de la part de l'Afev. » Réponse de l'intéressé : « Ah, mais vous êtes en retard : c'était le mois dernier, mon anniversaire. » Avant d'ajouter, sous le regard gentiment vexé de sa mère : « Mais de tous mes cadeaux de cette année, c'est quand même le meilleur. » Depuis quelques jours, l'antenne en charge du large territoire couvrant aussi bien Valenciennes Métropole que la Communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut a en effet mis en place un programme local qui gagnerait à inspirer d'autres régions : distribuer aux établissements prioritaires, mais aussi aux familles les plus touchées par l'illectronisme (soit la méconnaissance de l'usage des appareils électroniques, sinon l'absence pure et simple d'un matériel idoine à domicile) des ordinateurs fixes ou portables, pour les aider à rester connectés et à ne pas accumuler de retard scolaire pendant le confinement. Ainsi, à ce jour ont déjà été couvertes par Anaïs - « Père Noël printanier » comme elle s'amuse à se qualifier elle-même – les villes de Valenciennes, Denain, Anzin (trois villes labellisées « cités éducatives ») et Beuvrages.
 
Une « solidarité numérique » qui prend plusieurs formes, et se développe avec les moyens du bord, grâce aux efforts conjoints des bénévoles et salariés de l'association, mais aussi des enseignants et responsables d'établissements locaux. « Nous avons très vite compris, indique Anaïs Tavernier, que la fracture numérique allait s'ajouter aux difficultés que rencontrent déjà bien des élèves et leur famille. » Tandis que les bénévoles interrogés ont pratiquement tous tenu à maintenir, en accord avec les familles, leur accompagnement individualisé (mentorat) à distance, via téléphone, visio, chat..., la question cruciale du matériel à disposition persistait : « L'ordinateur est en effet un objet encore énigmatique pour beaucoup », contrairement à ce que l'on pourrait croire. Un constat confirmé par les équipes pédagogiques de trois collèges et deux lycées au sein desquels l'Afev intervient, dans le cadre du dispositif CLAED (Collégien/Lycéen aujourd'hui, étudiant demain) de Démo'Campus. De manière générale, la connexion à l'Espace numérique de travail (ENT) fait apparaître d'évidentes disparités entre familles (dont certaines peinent déjà à accéder à leur propre boîte mail, et donc a fortiori à télécharger des documents – aux formats, en outre, souvent non pris en charge) - d'autant que lesdits ENT ne sont pas forcément adaptés aux écrans de smartphones des parents, parfois le seul matériel informatique auquel certains jeunes ont accès à la maison.
 
Coïncidence heureuse, c'est à ce moment précis que l'agence BNP Paribas de Valenciennes  a réalisé un don, à l'antenne locale de l'association : pas moins de 20 ordinateurs pré-configurés, dans un état « comme neuf » (10 portables et 10 fixes). De quoi fournir, au moins, 8 jeunes accompagnés et 2 jeunes par établissement couvert dans le cadre de CLAED. Anaïs cite, à ce sujet, deux anecdotes parlantes, récoltées à l'occasion de ses tournées des derniers jours. Celle, d'abord, d'une jeune fille qui n'osait pas indiquer à ses enseignants et amis qu'elle ne pouvait travailler qu'à certaines heures de la journée, sur la table de la cuisine, au moyen du téléphone portable de son père : « C'est super, maintenant, je ne vais plus avoir à ne PAS OSER DIRE à mes amis que je n'ai pas d'ordi ! » Celle, ensuite, d'une collégienne jusqu'ici dénuée de matériel qui, non contente de pouvoir grâce à cette livraison-miracle préparer son brevet dans de bonnes conditions, se prend même à penser plus sereinement à l'après : « Et puis ce sera super bien pour la seconde, jusqu'à la terminale et après ! Je vais pouvoir remplir les trous en ligne, et même enfin imprimer les cours ! » « Le plus difficile, étonnamment, remarque Anaïs, ce n'est pas vraiment de mettre en route l'ordinateur... mais de convaincre les jeunes, voire les familles, qu'ils n'auront pas à rendre le matériel à l'issue du confinement ! »
 
Autre surprise : alors que l'on aurait pu craindre qu'un ordinateur sans réseau domestique ne fasse avancer les choses que d'une demi-marche, il se trouve que la plupart des familles disposent à domicile d'une box « en général pour la télé. » Box qui, en l'espèce, fournit un accès au réseau numérique y compris à des familles qui n'en avaient pas conscience. En outre, pour faciliter la prise en main du matériel par les familles, de nombreux bénévoles de l'association (dont nombre d'étudiants étrangers) se sont proposés pour revêtir la casquette de « bénévoles aide informatique à distance », avec l'accord aussi bien des familles que des chefs d'établissements. « On répond ainsi à l'ennui, précise Anaïs Tavernier, en permettant aux bénévoles de rester utiles même depuis leurs chambres d'étudiants, en déchargeant les établissements [particulièrement sollicités en ce moment, à ce sujet comme à d'autres, ndlr] et en accompagnant et soutenant les familles. » Mais « ce n'est que le début » conclut-elle enthousiaste, au téléphone, arrêtée en bord de route entre deux tournées de distribution de cadeaux...  
 
François Perrin

Partager cet article