Contre le décrochage : si on essayait la confiance ?

Récemment encore peu présente dans les lycées, l’Afev a développé pour les filières professionnelles un accompagnement qui place la confiance en soi au coeur de l’intervention de l’étudiant. Ou comment aider les plus fragiles à croire à nouveau en leurs capacités.

Un tiers des élèves de lycées professionnels en situation de décrochage : c’est le constat alarmant qui a poussé l’Afev à lancer en 2012 une  action en direction des jeunes concernés. Jusque là peu présente dans les lycées, toutes filières confondues, l’association a travaillé avec les ministères de l’Education nationale et de la Jeunesse pour déterminer où l’intervention des étudiants bénévoles pourrait être la plus utile. Et le premier besoin qui a été identifié, c’est celui de la confiance en soi . Ou comment aider les jeunes les plus fragiles à croire à nouveau en leurs capacités. « Les lycéens que nous adressent les équipes pédagogiques se sentent souvent peu ou pas compris, explique Sophie Raoult, déléguée territoriale de l’Afev à Poitiers où une action est en place depuis l’an dernier auprès d’une vingtaine d’élèves du lycée Réaumur. Certains de ces jeunes ont été orientés par défaut dans des filières qu’ils n’avaient pas choisi, d’autres sont très déçus par ce qu’ils apprennent. Il est important de pouvoir leur faire développer de nouveaux intérêts pour éviter que la frustration ne crée les conditions de l’échec. » A Poitiers, le choix a donc été fait de ne pas travailler que les champs directement scolaires : certains « binômes » étudiants-jeunes ont organisé des sorties en centre-ville et à la bibliothèque, d’autres ont regardé ensemble des films présentant un intérêt à la fois culturel et scolaire (par exemple en VO pour travailler les traductions).

Faciliter la prise de parole

Surtout, l’association a mis en place plusieurs ateliers d’expression avec les jeunes qui le désiraient. Le but : faciliter la prise de parole, ce qui permettait aux lycéens de parler de leur réalité mais aussi de les mettre plus à l’aise à l’oral, un domaine où beaucoup disaient être en difficulté. « Que ce soit pour chercher une formation en alternance ou chercher du travail après le bac, savoir parler à un employeur est très important pour ces jeunes, mais pas toujours facile », confirme Sophie Raoult. Pour certains jeunes, une « métamorphose ». Très timide en début d’accompagnement, Guillaume , élève de seconde, a pu ainsi participer à deux ateliers Afev, l’un consacré au hip hop et l’autre animé par un comédien sur la prise de parole. Parallèlement, avec Anne-Sophie, l’étudiante qui l’a accompagné toute l’année, ils ont travaillé sur les matières où il réussissait le moins bien. « Il avait quelques lacunes scolaires qui lui semblaient insurmontables, Anne-Sophie lui a prouvé le contraire, raconte Laurie Hay, la salariée de l’Afev qui a coordonné l’action au lycée Réaumur. Cet accompagnement l’a remotivé et lui a donné l’occasion de s’investir dans son travail : il avait besoin de se sentir soutenu et en confiance. Les professeurs ont parlé de ‘‘métamorphose’’. » Pour d’autres jeunes, l’accompagnement a plus porté sur la méthodologie, l’orientation ou l’amélioration de compétences très concrètement utiles à leur futur parcours professionnel. Ainsi, Jonathan et l’étudiante qui le suivait, Ana, ont-ils beaucoup travaillé sur la recherche de stage : création d’une boîte mail, prise de contact avec les entreprises, rédaction du CV et de la lettre de motivation... « Les échanges ont été très variés : ils ont abordé la notion de ponctualité et de savoir-vivre au travail, ce que les professeurs ont reconnu en fin d’année », indique encore Laurie Hay.

Une relation facilitée par la proximité d’âge

En plus de l’accompagnement scolaire, Ana a aussi accompagné Jonathan dans ses démarches d’inscription au foyer des jeunes travailleurs. La plupart du temps, entre les étudiants et les jeunes, « des liens très forts, parfois quasi fraternels, se sont noués, constate Sophie Raoult. Il faut dire que les bénévoles ont quasiment le même âge que les accompagnés. » Selon le bilan établi en fin d’année dernière avec les professeurs du lycée Réaumur, les jeunes disaient aussi apprécier d’avoir quelqu’un qui les écoute, s’intéresse à eux et les comprenne, sans exercer de pression et à leur rythme. Parfois, l’accompagnement a aussi permis de débloquer la situation avec la famille. « Certains parents ont réellement pris conscience des enjeux de la scolarité de leur enfant et se sont intéressés à ses difficultés, constate Laurie Hay. Leur investissement a été d’autant plus grand que souvent, le lien était rompu entre les parents et leur adolescent, parfois mal dans sa peau et qui ne s’exprimait pas sur ses difficultés. » Dans certains cas, les étudiants ont même servi de « médiateurs » entre parents et enfants. L’une des bénévoles a ainsi obtenu d’une maman jugée « très présente », qu’elle laisse son fils déterminer seul ses projets d’orientation, même s’ils devaient l’emmener loin de Poitiers... Un premier pas vers l’autonomie qui a aussi permis au jeune de découvrir toutes les ressources de son CIO local. Crédit photo ©Laetizia Le Fur

Partager cet article