ENTRETIEN avec Christophe Paris, directeur général de l'Afev publié dans Les Dossiers-Alternatives économiques - 01/06/2017
Quelle est l’histoire de l’Afev ?
L’Association de la Fondation étudiante pour la ville (Afev) est née du refus de laisser les quartiers populaires et leurs habitants dans la relégation et de la conviction que des jeunes seraient prêts à s’engager pour cela. Car loin d’être tous individualistes, nombre de 15-25 ans sont à la recherche de terrains d’engagement utiles. Et comme beaucoup d’universités se trouvent dans des quartiers populaires, l’Afev a cherché à faire le pont entre les étudiants et les jeunes de ces quartiers.
Nous sommes également persuadés qu’à côté des grandes politiques publiques comme la rénovation urbaine mise en place dans le cadre de la politique de la ville, il est essentiel de retisser le lien social. Partant de là, s’est fait jour le projet de proposer bénévolement un accompagnement scolaire individuel aux élèves des quartiers populaires. Et nous avons vite constaté que c’était un lien qui fonctionnait bien : face à un jeune un peu plus âgé, qui a aussi des problématiques de réussite scolaire, ces élèves font un cheminement souvent très positif. D’autant qu’il s’agit d’un accompagnement de long terme. En effet, nous ne sommes pas un "Acadomia des pauvres". Et l’impact de notre engagement sur le parcours des élèves en difficulté est très rapide, sachant que le travail de nos bénévoles est complémentaire de celui des enseignants.
Car l’étudiant qui vient deux heures par semaine chez un enfant avec un livre sous le bras est là pour apporter des connaissances précises, mais aussi et surtout pour créer un lien, être un modèle, un vecteur de mixité sociale. Ce qu’il propose, ce n’est pas l’école après les heures de classe. Il n’a pas d’objectif pédagogique précis et ciblé. C’est aussi en cela que son travail est différent de celui d’un soutien assuré par un enseignant. Nos étudiants permettent de dédramatiser l’accès au savoir. Et d’ailleurs, les enfants, très vite, disent "mon étudiant" en parlant de nos bénévoles...
Comment se structurent vos actions ?
7 000 étudiants interviennent ainsi au domicile d’enfants dans 330 quartiers. Cela représente 500 000 heures de bénévolat. Sur le terrain, nos bénévoles constatent d’ailleurs que contrairement à une idée répandue, les familles des quartiers populaires ne sont pas démissionnaires mais, à l’inverse, très inquiètes pour l’avenir de leurs enfants. Dans des quartiers où il existe 40 % de familles monoparentales, les étudiants qui interviennent établissent vite un rapport de confiance avec les parents. Ce qui leur permet de travailler sur des sujets comme l’orientation scolaire en fin de troisième. Cette action a en grande partie inspiré le dispositif public des parcours d’excellence qui a été lancé en janvier 2016.
Parallèlement, nous accueillons 650 jeunes en service civique, dont 350 sont placés dans des écoles, collèges ou lycées prioritaires dans le cadre de projets complémentaires aux enseignements, comme l’animation de médiathèques ouvertes aux familles. Plus de 300 jeunes s’insèrent en outre dans des actions collectives dans les quartiers...
Quant à notre programme de colocation solidaire, lancé en 2009, il concerne 600 jeunes, à raison de cinq heures par semaine. Dans ce cadre, les étudiants qui ont accès à des logements sociaux s’engagent par exemple auprès des bailleurs à donner un peu de leur temps à un jardin partagé ou à la création d’une bibliothèque... Et là encore, nous constatons une réelle transformation du lien au quartier, que cela soit pour les habitants des immeubles à loyer modéré ou les étudiants.
Enfin, depuis 2008, l’Afev organise chaque année en septembre la "Journée du refus de l’échec scolaire", où elle rend publique une enquête portant des thèmes comme le décrochage, le lycée professionnel ou le numérique comme outil pédagogique.
PROPOS RECUEILLIS PAR NAÏRI NAHAPÉTIAN
LES DOSSIERS N°010 - 06/2017
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