Présidée par Marcel Grignard, l'association, réseau d'acteurs économiques, sociaux, territoriaux et think tank européen Confrontations Europe a été créée en 1991, et vise notamment à "faire émerger une société civile européenne". La Une du dernier numéro de sa revue éponyme, daté de juillet/septembre 2016, proposait de "Réanimer l'Europe" au lendemain du Brexit. Trois questions à sa Déléguée générale, l'économiste Anne Macey, sur la situation des jeunes européens en matière d'emploi.
Quel état des lieux de l'emploi des jeunes en Europe pouvez-vous établir ?
7 millions de jeunes de 15 à 24 ans ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en stage. Plus d’un jeune sur cinq est au chômage, soit le double du taux de chômage moyen. La situation n’est toutefois pas la même pour un jeune selon le pays, la région où il habite : les jeunes Allemands sont beaucoup moins touchés par le chômage (7%) que les grecs ou espagnols (50%, un sur deux). Il y a urgence ! Investir dans la jeunesse est une priorité en Europe. La « garantie pour la jeunesse », une initiative européenne lancée en 2013, vise à fournir à tout jeune de moins de 25 ans une offre de qualité en formation, apprentissage, stage, ou emploi dans les quatre mois qui suivent la perte de son emploi ou de son décrochage scolaire. Cette garantie s’appuie sur des partenariats entre organismes de formation, territoires, entreprises, partenaires sociaux, organisations de jeunesse… et prévoit un accompagnement personnalisé pour chaque jeune. En France, il est prévu que le dispositif de la « Garantie jeunes » soit généralisé cette année dans toutes les Missions locales, après trois années d’expérimentation dans certains départements. Mais le succès de la Garantie jeunesse suppose d’impliquer largement les entreprises dans ce dispositif, ainsi que de mener de profondes réformes dans notre pays : il y a besoin de changer les mentalités et la qualité de notre système de formation, professionnelle notamment, pour améliorer la transition école-emploi et développer des compétences adaptées aux réalités des marchés du travail. Réformes auxquelles les jeunes doivent être étroitement associés.
Quelles initiatives propose Confrontations Europe en direction des jeunes disposant de moins d'opportunités que les autres ?
Confrontations Europe et ses partenaires ont lancé en 2015 un programme impliquant une centaine de jeunes de Sarcelles et Bondy (apprentis, créateurs d’entreprises, étudiants, lycéens, chômeurs…), centré sur les enjeux de l’insertion professionnelle et les programmes européens d’insertion (Garantie jeunesse, Erasmus+, Service volontaire européen…). Ils ont débouché sur des séminaires interactifs mobilisant des jeunes, des entreprises, des décideurs européens, et une conférence, mais aussi une série de propositions formulées par les jeunes, massivement disséminées auprès des décideurs nationaux et européens, ainsi que des demandes d’auditions et échanges avec la Commissaire européenne à l’emploi, la Ministre française du travail, la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, un nouveau séminaire en mars 2016 à Sarcelles à la demande de députés européens... Nous amplifions ces travaux en région Hauts-de-France au deuxième semestre 2016, avec une série de partenaires sociaux et régionaux, dont l’Afev, les missions locales, les écoles de la deuxième chance, les mairies, les entreprises, les partenaires sociaux, l’ADICE, le CRIJ …. Les opportunités offertes par les programmes européens bénéficient aux mieux connectés. Le manque d’information de ceux qui en auraient le plus besoin est criant, mais la voix de jeunes concernés permet aussi des retours d’expériences utiles pour démocratiser ces programmes de formation et d’insertion afin que l’Europe bénéficie à tous et pas juste à une élite.
Quelles sont les pistes favorisées par Confrontations Europe aujourd’hui ?
Confrontations Europe appelle à investir massivement dans les compétences des jeunes européens, qui forment l’avenir de l’Europe, pour que chacun puisse participer au marché du travail. Dans une perspective européenne, il faut pouvoir s’inspirer de ce qui marche, même si c’est ailleurs, des pratiques qui ont fait leurs preuves et valoriser l’apprentissage par le travail en partenariat avec les différents acteurs économiques et sociaux sur les territoires. Une expérience dans un autre pays européen est également un atout-clé pour l’insertion professionnelle. Or aujourd’hui, surtout dans les quartiers plus défavorisés, elle est considérée comme un luxe (« des vacances ») plutôt qu’une opportunité, alors que les programmes européens et les bourses existent (voir en ligne « Ton Premier Emploi EURES » ou le site de l’Agence Erasmus + France). Ainsi, tout jeune qui le souhaite doit aussi pouvoir bénéficier d’un Service volontaire européen. L’Europe doit être perçue comme une opportunité plus concrète, opérationnelle. Encore faudrait-il qu’elle le soit pour tous, et pas simplement pour les plus favorisés, les mieux connectés. Ainsi, les filières techniques, professionnelles doivent avoir la même possibilité d’accéder à la mobilité européenne. Or, si l’apprentissage des langues est une barrière qui n’est pas infranchissable, nous avons 28 réglementations nationales différentes. Nous devons progresser rapidement vers une reconnaissance des qualifications de l’enseignement professionnel au niveau européen et expérimenter un cadre européen pour l’apprentissage, comme le propose le député européen Jean Arthuis, avec le projet de mobilité longue pour les apprentis, rassemblant 36 centres de formation d’apprentis, issus de 14 pays de l’Union européenne à partir de la rentrée.
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