En tant déléguée nationale de l'Union nationale des Comités locaux pour le logement autonome des jeunes (UNCLLAJ), Ahmel Djioui montre en quoi les difficultés des jeunes à se loger sont spécifiques. Et rappelle la proposition de son organisation de mettre en place "une garantie de loyer universelle, obligatoire et mutualiste".
Qu'avez-vous pensé de ces résultats ?
Ahmel Djioui : Le nombre de jeunes propriétaires est impressionnant quand nous le comparons à la typologie des jeunes reçus dans nos structures. Nous ne retrouvons pas de jeunes logés en situation transitoire dans cette étude. Quant aux locataires, on peut être surpris de constater que 4 jeunes sur 10 interrogés le sont déjà, mais que 7 sur 10 d'entre eux déclarent avoir rencontré des difficultés pour se loger.
Etes-vous d'accord avec les trois points que nous avons souhaité faire ressortir ?
Ahmel Djioui : Ils sont pertinents, et il est important de les faire ressortir : les difficultés sont universelles, et la double peine semble s'imposer aux moins bien lotis. Il est difficile de faire valoir la spécificité du logement des jeunes au niveau national auprès des différents ministères concernés. Bien évidemment il ne s’agit pas d’opposer les publics et il faut militer pour l’accès au logement pour tous, cependant les jeunes rencontrent de réelles difficultés ; d'une part ils sont inexpérimentés sur la gestion locative (donc la défiance est forte à leur égard, quelle que soit leur situation), d'autre part la question des garanties continue de peser très lourdement : si un jeune en emploi durable, pour accéder au logement, continue à présenter des garants, nous devons nous interroger sur le lien emploi/logement et ses représentations. Cette question de la garantie constitue notre cheval de bataille.
Les jeunes vous paraissent-ils résignés ?
Ahmel Djioui : Pour le vérifier, il faudrait réaliser des études sociologiques mais nous constatons malheureusement une forme de résignation et d’acceptation de leurs difficultés, même si beaucoup tentent de les contourner et innovent. En tant qu’acteurs associatifs ou porte-paroles de ceux qui les accompagnent au quotidien, nous observons qu'il arrive souvent que des jeunes cohabitent avec leurs parents par défaut ou acceptent des logements insalubres et énergivores pour ne pas vivre sans toit. Leur résignation par rapport à l’accès au logement se retrouve dans d’autres accès à leurs droits (santé, emploi, stabilité…). Leur adaptabilité à la société dans laquelle ils évoluent est grande, il faut donc s’appuyer sur eux pour faire avancer les politiques en faveur de la jeunesse.
Et comment leur situation a-t-elle évolué dans le temps ?
Ahmel Djioui : Le marché immobilier s'est fortement tendu, avec une hausse des prix du parc privé et un parc social qui demeure mal adapté pour eux. Les exigences des propriétaires ne cessent de croître. Nous constatons une forte précarisation de la jeunesse avec des revenus fluctuants et une incapacité totale à fournir des garanties. Parallèlement, on a assisté à l'éclatement de la cellule familiale (de 12 à 28% de familles monoparentales en 5 ans dans le réseau des CLLAJ), tandis que la politique de la jeunesse n'est ni complètement affichée, ni totalement assumée. La question du logement des jeunes ne dépend d’aucun Ministère de tutelle et se retrouve dans l’escarcelle de plusieurs Ministères concernés sans orientations concrètes. Pourtant, nous savons que pour démarrer et réussir leur insertion sociale et professionnelle, les jeunes ont besoin d’un emploi et d’un logement.
Quelles pistes de travail l'UNCLLAJ favorise-t-elle ?
Ahmel Djioui : Nous avons publié en juillet une étude sur l'accès au logement des jeunes et adressé un courrier au Premier ministre détaillant nos propositions. Il s'agit de faciliter l'accès au logement des jeunes par la réservation de logement social à hauteur de leur demande ; de reposer la question des aides au logement (notamment en annulant le mois de carence) ; d'accorder des avantages fiscaux ou des aides financières aux propriétaires du parc privé accueillant des jeunes. Nous souhaitons également voir apparaître une garantie de loyer universelle, obligatoire et mutualiste, sous forme d'un dispositif simple et lisible. Enfin, il faudrait multiplier les lieux-ressources de type CLLAJ sur tout le territoire, afin de pouvoir accompagner l'ensemble des jeunes, et que les PLH (Programmes locaux de l'habitat) mettent en place une observation continue de la demande des jeunes dans tout le pays.
Propos recueillis par François Perrin
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