Afev Occitanie : un ancrage territorial depuis… 1993 !

En 1993, deux ans à peine après la création de cette association d’envergure nationale, l’Afev s’était déjà établie dans le Tarn, fidèle à son objectif de faire de la jeunesse le premier acteur de la lutte contre les inégalités, avec l’Université comme partenaire privilégié. C’est en effet avec l’Institut national universitaire de Champollion (INUC), à Albi, que s’est établie à l’époque une collaboration originale, qui depuis lors n’a cessé de se renforcer, et de s’étendre désormais jusqu’à l’Aveyron.

La mission originelle de l’Afev sur le chef-lieu Tarn ? Animer la vie étudiante, à tel point qu’aujourd’hui l’Afev Occitanie gère un bâtiment, le foyer et coordonne l’ensemble des associations étudiantes (y compris hors semaine de la vie étudiante), sans même parler, désormais, des extensions virtuelles de ses différentes activités. Une situation qui fait dire à Christelle Farenc, Directrice de l’INUC depuis l’an dernier (et auparavant Directrice de l’IUT de Tarbes), que « ce partenariat est assez original, peu d’établissements d’enseignement supérieur ayant tissé avec l’Afev des liens aussi étroits. » D’ailleurs, aujourd’hui, « si l’Afev nous dit [par exemple par la voix de de Soizic Ghandour, Déléguée régionale ou Nawel Bensetti Viguié, Déléguée territoriale Tarn/Aveyron, ndlr] : "pour les étudiants, ce serait mieux de faire comme ça", elle sait qu’il vaut mieux les écouter, et leur faire confiance. »

Animer l’Université

Ainsi, depuis bientôt 30 ans, l’association a renforcé ses assises à la fois dans neuf villes du Tarn (dont Albi, Castres, Gaillac, Carmaux…) et depuis 2008 dans sept villes d’Aveyron (Rodez, mais aussi par exemple Villefranche-de-Rouergue), soit sur seize communes en tout, et mobilisé des étudiants autour de l’ensemble des programmes développé tout au long de son histoire : mentorat étudiant (10% des étudiants de l’INUC sont ainsi engagés à l’Afev), Accompagnement vers la lecture (via des partenariats avec des bibliothèques), colocations solidaires "Kaps" établies à Albi et peut-être bientôt sur l’Aveyron autour du campus unique… A l’époque où elle travaillait sur cette sous-préfecture du Tarn, Christelle Farenc se souvient de la façon dont les responsables de l’Afev étaient venus la voir dans le but « d’identifier des étudiants volontaires pour faire du soutien scolaire auprès de jeunes issus des quartiers Politique de la ville : on leur a mis un bureau à disposition, en les prévenant qu’ils auraient sans doute du mal à trouver des bénévoles. Un mois plus tard, ils en avaient mobilisé 200 – sur 1000 étudiants de l’IUT. J’ai failli tomber de ma chaise, et j’ai dit chapeau. »

Autant de dispositifs favorisant l’implication des étudiants sur ce territoire spécifique, tout en prenant en compte ce qui fait sa particularité dans le paysage français. « Cette attention portée à la question du territoire, indique Christelle Farenc, constitue une plus-value et une force évidente de l’Afev. Des acteurs portant des missions d’égalité, d’engagement, et qui ont été jusqu’à développer un réseau y compris dans les villes moyennes, en étant en capacité d’agir vraiment sur Castres, Rodez, Albi, Tarbes, il n’y en a pas beaucoup… » Elle insiste sur ce point : « Là, il y a des actions opérationnelles, pérennes, qui ne sont pas pilotées depuis la métropole, avec juste quelqu’un envoyé pour faire l’aller-retour à Rodez. Sur Champollion, nous avons des gens de l’Afev qui vivent et travaillent à Rodez, Castres, Albi, là où ils mènent au quotidien leurs actions – le tout avec une connaissance aussi bien du réseau des écoles/collèges/lycées que des acteurs publics du domaine, et un professionnalisme sans faille. » Des actions qui n’ont pas cessé avec les confinements et la crise sanitaire, puisque le lien a été maintenu avec les étudiants, leurs associations, et des animations prodiguées en distanciel via Discord.

L’Afev permet aussi, notamment dans son combat permanent pour la reconnaissance de l’engagement, de faire évoluer les mentalités. Comme le précise encore Christelle Farenc : « Dans toutes nos licences, il y a désormais une Unité d’enseignement d’ouverture, par laquelle l’étudiant peut choisir ce qu’il veut, de s’engager pour accompagner des étudiants de première année, pratiquer un sport, suivre un cours d’histoire de l’art alors qu’il est inscrit en sciences, ou s’engager dans l’une des actions de l’Afev. Ça a l’air bête, comme ça, mais philosophiquement, faire que les enseignants considèrent que l’on peut apprendre en dehors de leurs cours, que l’Université forme à la fois des techniciens au sens nombre du terme et des citoyens de demain, c’est énorme. » Ainsi, « ce que nous apportent des partenaires extérieurs comme l’Afev nous permet d’évoluer nous-mêmes, en tant qu’Université, sur ces questions. »

Connaître son territoire

Ainsi, l’Afev dispose aujourd’hui d’antennes sur les différents sites de Champollion : à Castres où étudient 200 à 300 élèves ingénieurs en informatique ; à Rodez avec 700 en Staps, ALL ou DEG et à Albi où le solde des 3 000 étudiants du territoire est établi dans l’ensemble des UFR.

Des campus qui varient aussi bien en termes de taille que d’équilibre entre ville et campagnes, à l’instar des cinq contrats de ville et des onze quartiers Politique de la ville à la charge de Jean-Philippe Portet, Délégué de la préfète du Tarn et interlocuteur historique de l’Afev pour cette collectivité. A propos de cette dernière, il parle de l’intérêt d’articuler « une dimension nationale et des antennes locales », et d’une « structure solide, ce qui n’est pas toujours le cas des associations locales. Là, il est plus facile de les suivre, des les accompagner au mieux, quand on est dans la décision publique. » Et de citer le cas du dispositif TremplinAsso, dans lequel l’Afev est engagée localement : « C’est bien structuré, bien organisé, grâce à une acculturation des équipes successives, une bonne connaissance des terrains, qui facilite pas mal les choses. » Une équipe ici « 100% féminisée, sympa, dynamique, et jeune – ce qui permet de ne pas entretenir de décalage avec la population étudiante. » Et qui coordonne et/ou anime par exemple des tiers-lieux à Albi (le foyer alter-natif), Rodez (le Bureau des étudiants) ou Castres (la Maison du campus).

Concrètement, les difficultés auxquelles se heurte parfois l’Afev entre Albi, Castres et Rodez sont là encore liées aux spécificités de ce territoire : « Ici, à la différence de Toulouse par exemple, poursuit Jean-Philippe Portet, les contrats de ville sont éclatés : pour le bureau d’Albi, par exemple, le territoire d’Aussillon se trouve à une heure trente du centre-ville. Les déplacements géographiques ne peuvent pas se faire en bus, en tramway ou en métro : tout doit se faire en voiture, impossible aussi de faire le trajet en vélo ! » Ce qui pose fatalement un problème « de captation des étudiants vers les territoires un peu plus excentrés, comme Carmaux ou Aussillon, où il y a moins de jeunes. » Idem pour l’implantation des Kaps : « Sur des quartiers de 1 500 habitants en moyenne, les questions qui se posent ne sont pas les mêmes qu’au sein des métropoles. » D’autant que d’après lui, l’état d’esprit tarnais peut parfois se montrer rétif à « un projet qui semble arriver de l’extérieur. » En outre, les problématiques liées à la fracture numérique se font particulièrement criantes sur certaines zones, où il a d’ores et déjà « validé beaucoup de choses, notamment en termes de matériel informatique, de mise en place de conseillers numériques, de dispositifs autour de fablabs, de tiers-lieux… là, précisément, où ces lieux manquent cruellement. »

Pour lui, même si « l’Afev a parfaitement joué son rôle dès le début de la crise sanitaire, avec de bons dispositifs qui ont été mis en place », l’urgence absolue, à l’heure actuelle, concerne le mentorat, suite aux récentes déclarations dans ce sens du Président de la République : « Là, martèle le Délégué à la préfète, il faut qu’on y aille, avec l’Afev, avec les autres associations du territoire (NQT, Proxité, Article 1…), avec l’ANCT. Parce qu’avec le Covid, certes, nous sommes tous freinés dans nos boulots, mais il ne faut jamais oublier que nous travaillons sur des publics dont les situations quotidiennes vont désormais bien au-delà de l’inconfortable. Des publics qui ont besoin de nous, et auxquels ce n’est pas le moment de réponse : "C’est compliqué"… » D’autant qu’il le rappelle aussi, « il ne faut jamais oublier que les politiques publiques coûtent beaucoup d’argent, donc induisent des obligations de résultat d’abord auprès des habitants, mais plus généralement auprès des citoyens. » D’où l’intérêt, pour mettre en œuvre cette action collective confrontée à de multiples enjeux, de renforcer les liens avec des acteurs pérennes comme l’Afev, et de multiplier les échanges.

C’est d’ailleurs dans le cadre de son action "Mentorat" que l’Afev Occitanie organisait, le mercredi 12 mai dernier et comme tous les ans depuis 2006 (sauf en 2020 pour des raisons évidentes), un événement Pas de quartier pour les inégalités (PQPI) dans le bâtiment Pascal.e Ambic - qu’elle occupe au sein de l’Université. Une action financée chaque année par la Région, afin de renforcer le lien entre les mentors, les mentorés et leurs familles. Concrètement, pour ce « temps de valorisation de l’engagement solidaire et de rencontre entre les acteurs de la solidarité », les personnes intéressées pouvaient s’inscrire sur des créneaux d’une heure, dans le strict respect des normes sanitaires actuelles (rappel des gestes barrière, masques, gel hydroalcoolique, sens de circulation prédéfini), et découvrir les animations mises en place pour l’occasion. Soit, en intérieur, une fresque composée sur le thème des inégalités, un coin "cocooning", des distributions de "doggy bags" pour les enfants, une exposition photos, dessins et cartes réalisés par les enfants dans le cadre de l’Action contre la faim ; et en extérieur, un petit concert « animé par un Kapseur », et un temps d’animation à l’art circacien proposé par l’association étudiante La Compagnie Ivre d’équilibre

François Perrin

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