Jeudi 11 mars, des représentants du Collectif mentorat échangeaient avec Peter de Cuyper, chercheur de l’Université de Louvain très impliqué sur la question de l’intégration des migrants. Retour sur quelques éléments échangés à cette occasion.
Chercheur au Research Institute for Work and Society (HIVA) à l’Université de Louvain, en Belgique, Peter de Cuyper un sociologue spécialisé sur les politiques d’intégration des migrants en général, et leur insertion sur le marché du travail en particulier. A ce titre, il travaille avec ses équipes depuis 2014 sur le Mentoring for work, et interroge le concept de mentorat pour faire progresser à ce sujet le domaine de la recherche – et sa mise en application dans les politiques publiques. Soit un interlocuteur tout trouvé pour le Collectif mentorat, qui avait organisé avec lui, le jeudi 11 mars dernier, un temps d’échange.
Une politique d’accueil volontariste
Pour le Collectif, son chargé de mission Nicolas Viennot était accompagné de deux responsables de l’Afev : Marie Aumont, Chargée du programme mentorat, et Eunice Mangado-Lunetta, Directrice des programmes, qui se sont chargés de lui présenter la genèse et le développement de leur entité commune. De son côté, Peter de Cuyper est revenu sur la manière dont l’accueil des migrants et des réfugiés était organisé dans son pays : en Flandre, un parcours dit « d’intégration civique » comprend, pour ceux qui en bénéficient, un cours d’orientation sociale, des cours de base de néerlandais et une orientation de carrière, le tout mis en place sous forme d’accompagnement individuel.
En matière d’insertion professionnelle, la collectivité dispose d’un outil qui jusqu’à récemment fut peu évalué : le « mentoring for work » (à ne pas confondre avec le « mentoring at work », qui concerne des individus déjà insérés dans une structure économique), qui permet à un mentoré nouvellement arrivé dans le pays d’être aidé dans ses démarches par un mentor volontaire, mieux familiarisé au marché du travail local. C’est sur ce dispositif que travaille le chercheur de l’Université de Louvain depuis 2014, afin de se prononcer sur divers aspects tels que la gouvernance, la qualité ou l’efficacité du mentorat ainsi proposé (voir par exemple : Migrant mentoring to work : defining an old-but-innovative instrument, article académique coécrit avec Hanne Vandermeerschen en 2019). Si le dispositif n’implique pour le moment que six organisations pour un budget de 1 à 2 million(s) d’euros, il a vocation à se développer : « C’est comme le Collectif mentorat, s’amuse Peter de Cuyper, mais pour l’instant en plus petit… »
Expérimenter pour développer
Un nouveau programme a été récemment développé, dans le but de favoriser l’intégration sociale des migrants et des réfugiés. A ce jour, 26 villes flamandes sont embarquées dans ce projet, qui se développe à cette heure sous forme d’expérimentation. Sur la base des conclusions de l’expérience, une nouvelle loi sera mise en place, donnant à chaque nouvel arrivant migrant un "buddy" – soit un compagnon d’apprentissage.
Peter de Cuyper et ses équipes proposent des ateliers de formation pour les acteurs locaux, la charge de la mise en œuvre de cette politique publique revenant aux communes concernées : « Organisation, budget, outsourcing, et travail nécessaire de définition, énumère-t-il : les domaines sont nombreux sur lesquels les acteurs ont besoin d’informations. »
D’ici la fin de l’année, ces expérimentations donneront lieu à un bilan du processus et à une étude d’impact, qui permettront de conseiller les décideurs politiques sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Ainsi, d’ici la fin de l’année, la loi associera à chaque nouvel arrivant un "buddy", qui l’aidera à s’intégrer à la société. « On sera alors face à quelque chose de plus solide, et aussi de mieux déterminé en termes de gouvernance… comme de financement. » Car à l’heure actuelle, les collectivités locales ne disposent que d’un budget de 45 000 euros, versés par le Fonds européen Asile, migration et intégration (FAMI), pour développer l’expérimentation.
« Nous ne jouons pour le moment qu’un rôle de conseil auprès des collectivités locales, mais il nous permet de soulever quelques points importants, comme l’évaluation de la capacité des mentors bénévoles à interagir avec des réfugiés, par exemple, qui s’extirpent parfois à peine de situations traumatiques… »
Ainsi, ce qui se met en place de manière encore informelle et parfois à tâtons dans quelques villes doit être amené à évoluer prochainement : « Nous travaillons aujourd’hui sur la détermination de critères de qualité pour le mentorat, pour ensuite former un réseau d’apprentissage efficace. »
François Perrin
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