Interview de Sébastien JALLET, à l’occasion du colloque « le logement des jeunes : enjeu d’innovation sociale et urbaine »
Le CGET fête cette année les 40 ans de la politique de la ville. Quel est le sens de cette célébration, les idées majeures qui ont émaillé ces 40 années, et les principaux enjeux actuels de cette politique ?
La politique de la ville est la seule politique publique qui s'adresse spécifiquement aux quartiers populaires urbains, ceux qui concentrent des difficultés de tous ordres. Elle concerne aujourd'hui 1500 quartiers et 5,5 millions d'habitants, soit 9% de la population française. Elle a pour objectif d'améliorer les conditions de vie de leurs habitants, de réduire les écarts économiques et sociaux avec les autres territoires, de permettre d'avoir les mêmes chances de réussite que les autres, notamment pour les jeunes. Pour ce faire, elle agit simultanément sur l'habitat, le développement économique et l'emploi, le développement social, l'éducation, en mobilisant tous les acteurs, à travers les contrats de ville signés entre l'Etat et les collectivités locales.
On a l'habitude de la faire démarrer en 1977, au moment des opérations « Habitat et vie sociale » mises en place pour lutter contre les premiers dysfonctionnements des grands ensembles. Elle a donc 40 ans. Cet anniversaire n’est pas pour nous une commémoration mais plutôt une opportunité pour reparler des quartiers populaires, montrer les progrès accomplis, tout en restant conscient des difficultés qui subsistent.
Il donnera lieu à l’organisation de toute une série d’événements et d’initiatives nationales et locales entre octobre 2017 et octobre 2018 qui bénéficieront d'un label « 40 ans ». L’objectif est d'abord de changer le regard, souvent dur et injuste, sur ces quartiers et de montrer, à travers des illustrations concrètes et des témoignages d'habitants et d'acteurs de terrain, ce que la politique de la ville a apporté aux habitants des quartiers, aux politiques publiques et à la société française en général. Mais ce regard sur le passé doit aussi aider à repérer ce qui marche et ce qui marche moins bien, et ainsi à inventer de nouvelles solutions pour demain.
Quelle attention portez-vous à l’innovation sociale dans ces quartiers ?
La notion d’innovation sociale est présente dès le début de la politique de la ville et dans ses rapports fondateurs, notamment celui d'Hubert Dubedout, premier président de la Commission Nationale de Développement Social des Quartiers (CNDSQ). La politique de la ville a beaucoup expérimenté, dans beaucoup de domaines. Elle a inventé de nouveaux métiers en matière de médiation sociale, de nouvelles méthodes et de nouvelles pratiques, notamment en matière de participation des habitants.
Le CGET a dans sa mission de recenser, soutenir, capitaliser et diffuser les pratiques socialement innovantes, au plus près du terrain. Il s'appuie pour cela sur les services de l'Etat sur le terrain, notamment les délégués du préfet, les réseaux professionnels et les centres de ressources. Le CGET finance beaucoup d'initiatives associatives, développe des
expérimentations telles que les marches exploratoires de femmes qui visent à améliorer la tranquillité des habitants dans les quartiers et la mise en place des conseils citoyens.
Les conseils citoyens sont un dispositif qui s’appuie en partie sur le principe de tirage au sort pour rénover la conception de la participation en associant l’ensemble des composantes de la population à la construction de la politique de la ville, y compris ceux qui sont les plus éloignés des processus de décision. Cette action s'accompagne d'un dispositif de formation inédit des conseillers citoyens dans les territoires en rénovation urbaine.
Enfin, le CGET travaille avec le Haut-Commissaire à l'Économie Sociale et Solidaire, Christophe Itier, et appuie différents projets dont une banque de l’innovation territoriale, sorte de plateforme de mutualisation des bonnes pratiques en matière d’innovation sociale, financée par le Programme d’investissement d’avenir et accessible en ligne fin 2017 et, plus récemment un projet d'accélérateur d'innovations sociales.
En quoi les colocations à projets solidaires développées par l’AFEV vous paraissent-elles constituer un levier pour améliorer la vie dans les quartiers populaires ?
La politique de la ville a notamment comme objectif de lutter contre « les concentrations de pauvreté » et de favoriser « la mixité de la composition sociale » des quartiers prioritaires. Plusieurs dispositifs spécifiques de la politique de la ville contribuent à la mixité sociale, mais le principal levier reste l’adaptation des politiques publiques de droit commun. En matière d’habitat, cela se concrétise en agissant sur l’offre de nouveaux logements, en veillant à leur bonne répartition spatiale, à leur diversité et à leur adaptation aux besoins des ménages. L’action doit également porter sur le parc social existant, en réformant les attributions des logements sociaux et les politiques de loyers pratiqués.
Le projet des KAPS - Kolocations à projets solidaires - soutenu par le CGET s‘inscrit pour nous (CGET) dans cette volonté de développer la mixité sociale dans les quartiers, et de favoriser le vivre ensemble.
Fondées sur le principe de colocation, les KAPS permettent ainsi à des étudiants de trouver une solution à leur besoin de logement, et leur donnent aussi l’occasion de s’engager différemment, en tant qu’habitants, dans des quartiers prioritaires, en développant des projets culturels, en matière de soutien scolaire...Ils participent par ailleurs à lutter contre l'isolement dont souffrent certains quartiers.
Le CGET a accompagné par son soutien le développement de ce projet, dont les objectifs répondent à ceux de nos politiques publiques.
Les KAPS s’inscrivent en effet dans les dynamiques des contrats de ville, et favorisent l’engagement solidaire de jeunes étudiants dans nos quartiers. Ils permettent également un brassage de populations, l’amélioration du cadre de vie, et facilitent la participation des habitants à la réalisation de projets visant à retisser du lien – des actions naissent ainsi spontanément du fait des relations qui se créent entre les étudiants et les résidents du quartier.
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