3 questions à Benjamin MOIGNARD, parrain de la 10ème édition de la Journée du refus de l’échec scolaire

Benjamin MOIGNARD est sociologue, Maître de conférences à l'Université Paris-Est et directeur de l'Observatoire Universitaire International Education et Prévention. Ses travaux portent principalement sur les questions de climat scolaire, de violence à l'école et  de décrochage scolaire. Pourquoi avez-vous accepté de devenir parrain de la Journée du refus de l’échec scolaire ? On ne fait jamais assez pour lutter contre l’échec scolaire ! Ces journées sont devenues un rendez-vous important pour tous ceux qui se préoccupent de cette question, et qui se battent quotidiennement pour promouvoir une société plus juste. L’école ne peut pas agir seule : elle a besoin de l’appui des réseaux associatifs, des décideurs et d’autres professionnels pour continuer d’avancer. Mais cette alliance doit être envisagée pour renforcer l’école dans sa capacité à faire, et non pour sous-traiter une part de ses missions. C’est là sans doute un enjeu essentiel de l’époque : comment faire pour que l’école puisse s’affirmer plus encore, comme un lieu essentiel d’apprentissage, de socialisation, et d’exercice de la citoyenneté, au-delà des origines sociales, ethniques et culturelles ? Les chercheurs ont sans doute un rôle à jouer pour contribuer au débat, en rappelant des données factuelles qui débordent les clivages politiques traditionnels. L’échec scolaire reste un problème grave en France, en particulier dans certains territoires qui sont traités de manière dérogatoire. Il nous faut agir collectivement pour proposer de nouvelles réponses à un problème qui persiste. Le climat scolaire est une problématique qui retient de plus en plus l’attention des chercheurs et praticiens éducatifs. Quels changements cela traduit-il ? Le climat scolaire s’est en effet imposé dans le champ de l’éducation ces dernières années comme une notion qui fait sens. Il l’a été d’ailleurs avec un certain retard par rapport à des pays comparables, du fait d’une culture scolaire qui considère toujours la classe et le professeur comme le seul niveau d’intervention possible, là où le climat scolaire envisage aussi une action éducative plus large. Bien sûr que les capacités des enseignants à transmettre et à animer une classe sont décisives. Mais le contexte scolaire dans lequel ces pratiques prennent corps est aussi important. Le climat scolaire, renvoie justement à la manière avec laquelle l’ensemble de la communauté éducative perçoit l’ambiance d’un établissement, à l’état des relations entre toutes et tous, au sentiment de sécurité et de justice, à la qualité du bâti et de l’organisation interne, etc. Je pense par ailleurs que l’audience nouvelle accordée à cette notion est d’abord le résultat d’une expérience de terrain largement partagée. Les enseignants et les chefs d’établissements le savent bien : d’un établissement comparable à l’autre, la réalité quotidienne de l’exercice du métier peut-être fortement différenciée. Cela ne suffit pas à effacer les inégalités structurelles qui pèsent fortement sur la réussite ou l’échec à l’école. Mais on constate aussi que des communautés éducatives parviennent, à force de mobilisation et d’investissements, à inverser les déterminismes sociaux. En agissant sur le climat scolaire, des équipes, des parents, des partenaires associatifs définissent un nouveau contexte de scolarisation qui s’avère décisif pour la réussite des élèves les plus éloignés de la culture scolaire. Vous avez travaillé dans d’autres contextes internationaux. Selon vous, quelle est la caractéristique du climat scolaire en France par rapport à ce que vous avez observé dans d’autres pays ? Nous disposons en France d’un socle solide dans les référentiels disciplinaires et didactiques des enseignants. Certains pays envient le niveau académique des professionnels de l’école française qu’il nous faut en effet préserver. Mais dans le même temps, nous sommes en difficulté sur le registre relationnel par exemple, avec un fort sentiment d’injustice de la part de nombreux élèves à l’égard de l’évaluation ou des usages autour des sanctions et des punitions. Il nous faut continuer à travailler collectivement sur l’amélioration des relations entre les acteurs scolaires, les élèves et les familles, et sur une forme de bienveillance nécessaire à la réussite des élèves. La première mission de l’école, c’est de permettre aux élèves d’apprendre. Mais cela ne peut se faire dans un contexte qui serait perçu défavorablement par les premiers concernés. En France, les marqueurs idéologiques autour de l’école sont plus forts que dans la plupart des pays européens comparables : c’est là un frein considérable à l’avènement d’une école plus juste. Les procès en laxisme ou en démagogie prononcés à l’égard de positions « pédagogistes » d’un côté, et les accusations d’immobilisme des « disciplinaires » obnubilés par des savoirs désincarnés de l’autre, sont un non-sens du point de vue scientifique. Mais ils structurent largement les débats sur l’école, là où il est sans doute nécessaire de dépasser les postures de principes, pour surmonter des difficultés qui se posent clairement. En ce sens, le climat scolaire n’est pas une marotte pédagogique. C’est une mise en perspective des leviers possibles d’amélioration du contexte de scolarisation des élèves, qui mêle à des contraintes sociales fortes, une capacité à agir de tous les membres de la communauté éducative. Benjamin Moignard : « Améliorer le climat scolaire est un moyen de lutter contre le décrochage » Benjamin Moignard est sociologue et parrain de la 10ème édition de la Journée du refus de l’échec scolaire (le 20 septembre 2017).

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