La 17ème Journée du Refus de l’Echec Scolaire, organisée par l’Afev, s’est tenue le 25 septembre 2024 à Paris. Axée sur la parentalité face aux inégalités, cette édition a réuni des acteurs institutionnels, associatifs et des experts. Au cœur des échanges : les défis sociaux et économiques des familles populaires, souvent monoparentales, confrontées à la précarité. La journée a été marquée par la présentation d’une enquête nationale "La parentalité à l'épreuve des inégalités" et par la proposition de nouvelles pistes pour renforcer le soutien et la participation des parents dans l’éducation de leurs enfants.
La parentalité à l'épreuve des inégalités
Accéder aux résultats détaillés de l'enquêteParentalité et inégalités : un défi majeur pour les familles populaires
Cette JRES a réuni des acteurs institutionnels, associatifs, et des experts pour discuter des défis liés à la parentalité dans un contexte d'inégalités croissantes. Sous l’impulsion d’Emmanuel Davidenkoff, qui a animé les échanges tout au long de la journée, les participants ont exploré la manière dont les familles des quartiers populaires sont confrontées à des difficultés sociales et économiques qui impactent directement l’avenir de leurs enfants.
Les résultats de l’enquête annuelle menée par l’Afev, en partenariat avec Trajectoires Reflex et l’UNAF, ont constitué un point central des discussions. L'étude, qui s’appuie sur les témoignages de 737 parents vivant dans des quartiers prioritaires, a révélé une forte anxiété parentale exacerbée par les crises sociales récentes. Le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez, parrain de l’événement, a souligné l’importance de reconnaître le contexte dans lequel évoluent ces familles : « Être parent en 2024, ce n’est pas seulement accompagner ses enfants ; c’est aussi faire face à des défis extérieurs comme la précarité économique, l’isolement social et les menaces du monde numérique. »
L’isolement des familles, notamment des mères monoparentales, est un enjeu de taille. Une famille sur quatre est aujourd’hui monoparentale en France, et ces foyers sont souvent particulièrement vulnérables. Ils font face à un manque de ressources économiques, à une absence de soutien social, et à des horaires de travail décalés, qui compliquent leur rôle éducatif. Les discussions ont ainsi insisté sur la nécessité d’adapter les dispositifs publics pour répondre spécifiquement à ces réalités.
Co-living, mentorat… Des solutions pour briser l’isolement
Parmi les solutions explorées au cours des quatre tables rondes, le co-living et le mentorat se sont distingués comme des moyens innovants pour répondre aux besoins des familles monoparentales. Tara Heuzé-Sarmini, fondatrice de Commune Coliving, a présenté ce modèle comme un cadre de vie partagé où des mères célibataires peuvent non seulement vivre ensemble, mais également s’entraider au quotidien. Cette approche permet de briser l’isolement tout en partageant des responsabilités telles que la garde des enfants et l’organisation des tâches ménagères.
Pour Tara Heuzé-Sarmini, le co-living est bien plus qu’une solution de logement : c’est un véritable réseau de soutien qui aide les mères à se reconstruire socialement tout en offrant à leurs enfants un cadre de vie stable et sécurisé. Ce modèle est particulièrement pertinent pour les familles des quartiers populaires, où l’isolement et la précarité s’entremêlent, rendant le quotidien encore plus difficile pour les parents seuls.
Le mentorat, un autre axe-clé des discussions, a été mis en avant comme un outil essentiel pour soutenir non seulement les enfants, mais aussi les parents. Frédérique Alexandre-Bailly, directrice générale de l’ONISEP, a souligné l’importance d'accompagner les parents dans l'orientation scolaire de leurs enfants, en particulier ceux qui se sentent démunis face aux choix éducatifs. Le programme « Un jeune, un mentor », soutenu par le ministère de la Jeunesse, a été cité comme un exemple concret de ce type d’accompagnement, qui vise à ouvrir de nouveaux horizons pour les jeunes tout en renforçant les compétences parentales.
Les échanges ont également mis en avant le besoin de créer des plateformes numériques dédiées aux parents, notamment pour leur offrir des ressources pédagogiques adaptées à leurs besoins spécifiques. Gaëlle Guernalec Levy, fondatrice de Papoto, a ainsi plaidé pour la multiplication de ces outils en ligne, qui permettent aux parents de rester connectés avec les écoles et de mieux suivre la scolarité de leurs enfants, malgré des conditions de vie parfois difficiles.
Vers une co-construction des politiques publiques de soutien à la parentalité
En clôture de la journée, un appel unanime a été lancé en faveur d’une co-construction des politiques publiques, qui doivent prendre en compte les spécificités des familles des quartiers populaires. Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse et de l’éducation populaire au ministère des Affaires sociales, a insisté sur l’importance de concevoir des dispositifs à hauteur de parents, en mettant l’accent sur la prévention et l’accompagnement personnalisé. Il a plaidé pour une plus grande implication des collectivités locales et des associations, qui sont souvent au plus près des familles en difficulté.
L’idée de co-construction a également été développée par Christophe Paris, Directeur général de l’Afev, qui a insisté sur la nécessité d’intégrer les parents dans les réflexions autour des politiques éducatives. « Les parents des quartiers populaires ne doivent pas être des bénéficiaires passifs des politiques publiques, mais des acteurs à part entière dans le processus de décision », a-t-il affirmé. Cette approche est essentielle pour garantir que les dispositifs d’accompagnement soient réellement adaptés aux besoins des familles et qu’ils puissent avoir un impact concret sur la réussite scolaire des enfants.
Les discussions ont aussi mis en lumière l’importance de créer un cadre bienveillant pour permettre aux parents de s’exprimer librement sur leurs difficultés sans se sentir jugés. Catherine Becchetti-Bizot, médiatrice de l’Éducation nationale, a évoqué la nécessité de repenser la relation entre les parents et l’école, en construisant un dialogue de confiance basé sur l’écoute mutuelle et la reconnaissance des réalités sociales vécues par les familles. Pour elle, l’enjeu est de créer des ponts entre les familles et les institutions éducatives, afin de construire une relation plus harmonieuse et productive pour les élèves.
En conclusion, cette 17ème édition de la JRES a permis de réaffirmer l’urgence de soutenir les familles des quartiers populaires en repensant les politiques publiques et en encourageant des initiatives locales et innovantes. Les solutions évoquées, telles que le co-living, le mentorat, ou encore les plateformes numériques, ouvrent de nouvelles perspectives pour renforcer l’accompagnement des parents et améliorer la réussite éducative des enfants. Cependant, comme l’ont souligné les intervenants, ces initiatives ne pourront réellement porter leurs fruits que si elles sont co-construites avec les familles elles-mêmes, dans un esprit de collaboration et de solidarité.
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